Lettre ouverte aux amoureux de la guerre (Voix virtuelle/Partenariat POUR)

JUL 13, 20237 MIN
Terre Citoyenne • Fréquence Terre

Lettre ouverte aux amoureux de la guerre (Voix virtuelle/Partenariat POUR)

JUL 13, 20237 MIN

Description

Bonjour ou bonsoir auditeurs ou lecteurs de Fréquence Terre.

Tout d’abord, vous qui vous interrogez sur l’intelligence artificielle et autres technologies dites modernes, voici une expérience.

Je suis une voix virtuelle qui, mot à mot, va vous lire la lettre ouverte envoyée par le chroniqueur Pierre Guelff à Madame Dedonder, ministre belge de la Défense.

Son contenu est tout aussi intéressant pour expliquer la politique du ministre français des Armées, Sébastien Lecornu.

Madame Dedonder,

En lisant et relisant vos déclarations publiques et en analysant de plus près leurs contenus idéologiques, je ne me retrouve absolument pas en tant que citoyen dans cette volonté de déployer une véritable culture de guerre, au point, par exemple, de cautionner que l’on supprime quasiment la Protection civile pour favoriser les armées, de faire des économies ou autres accommodements dans les budgets de la Santé, de la Culture, de l’Enseignement, de la Recherche scientifique…

La Belgique est mal ou très mal classée aux niveaux de la qualité de l’air, de la liberté de la presse, de l’enseignement des matières fondamentales (lecture et écriture), de la sécurité routière, de l’état des voieries, des rendez-vous de consultations médicales…, en revanche, elle fait figure de « bonne élève, le doigt sur la couture » en matière d’augmentation du budget des armées.

Dans tout ce contexte, je pense que le titre de ministère de la Défense nationale devrait reprendre l’original : ministère de la Guerre.

Jean Jaurès en appelant à la paix en 1913 (Photo DR/Domaine public).

De plus, se présenter en tant que socialiste (Jean Jaurès doit se retourner dans sa tombe !) au lieu de sociale-démocrate, est, selon ma perception, un leurre, car vous devriez quand même savoir que le monde ouvrier et socialiste était originellement antimilitariste.

La raison ? La solidarité entre gens du métier : ne pas attenter à l’intégrité physique d’un collègue de travail et, surtout, ne pas être complice du business déployé par l’industrie de l’armement au détriment des classes laborieuses, du peuple.

Le militarisme bafoue allègrement les principes fondamentaux de pacifisme chers au mouvement socialiste.

De plus, une femme, à qui la Nature a donné le merveilleux pouvoir de donner naissance à un enfant, peut-elle promouvoir une activité qui fait de ce futur adulte de la chair à canon ?

C’est bien la raison des manifestations de courageuses mères et grand-mères de soldats en Russie, naguère en Argentine.

Car, ne nous y trompons pas, la toute première vocation d’un militaire est bien d’apprendre à tuer. Et, je ne crois pas un instant à la sincérité intrinsèque d’une armée tournée vers des missions humanitaires. C’est l’arbre qui cache la forêt.

Cette question éthique ne devrait-elle pas être d’application pour tout progressiste ?

Alors, qu’est-ce qui motive pareil déploiement de militarisme ?

La patrie ? Ce nationalisme, tellement décrié par Tolstoï, par exemple, doit être banni du vocabulaire progressiste et faire place à la Fraternité universelle, l’Histoire a démontré à suffisance à quoi menait le nationalisme.

Le business de l’industrie de l’armement débouche sur des kyrielles de cimetières militaires… (Photo Pierre Guelff).

Pour les armes belges envoyées à l’Ukraine, que l’on retrouve en Russie ou pas, peu importe, vous avez déclaré qu’un document spécifie avec chaque envoi qu’il s’agit d’armes de défense : c’est prendre les citoyens pour des minus habens qui goberaient pareil argument, comme si les destinataires de ces engins de mort avaient une quelconque conscience en la matière.

Mais, suis-je tenté de vous demander : les affaires (business) primeraient-elles sur toutes considérations d’ordre éthique ?

J’ai aussi lu que vous étiez fière d’avoir fait augmenter de manière considérable le budget des armées, là où l’enseignement du maniement des armes a pour unique but de détruire les êtres humains « ennemis », rappelons-le, voire de s’opposer par la force aux légitimes revendications citoyennes, comme ce fut réalisé dans le temps.

Vous clamez une augmentation qui donnerait de l’emploi : c’est un mantra récurrent faisant totalement fi des préceptes humanistes, autre arbre qui cache la forêt.

Comme cette volonté d’établir un service dit civique qui ne serait qu’un service militaire déguisé, à l’instar du Service National Universel (SNU) en France placé entre les mains de militaires qui, de la sorte, tentent de former une jeunesse soumise, embrigadée et exploitée au profit d’une idéologie droitière qui ne cache même pas sa satisfaction devant pareille organisation menée par un ministère régalien de l’État.

À vrai dire, se prétendre socialiste et être gestionnaire des affaires entre le lobby de l’industrie de l’armement et des militaires et militaristes avides de galons et de notoriété, c’est très inquiétant pour la démocratie, car, selon Louis Lecoin : « S’il m’était prouvé qu’en faisant la guerre mon idéal avait des chances de prendre corps, je dirais quand même non à la guerre. Car on n’élabore pas une société humaine sur des monceaux de cadavres. »

 

Madame Ludovine Dedonder (manteau rouge) parmi des autoproclamés socialistes qui agissent pour une militarisation accrue de la société : Jean Jaurès doit se retourner dans sa tombe ! (Photo PS Belgique).

Est-ce que la conscience d’un progressiste ne lui dicte pas d’arrêter de faire la part belle aux pouvoirs militaro-industriels et, plutôt, de mettre toute son énergie à promouvoir une culture de paix ?

Celle de véritables acteurs d’un pacifisme actif, celui qui fit tomber maints dictateurs et régimes tyranniques.

Oublie-t-on que les conflits, depuis la nuit des temps, se terminent régulièrement par un arrêt des hostilités, par un traité de paix ?

Le conflit Russie-Ukraine actuel ne va-t-il pas, un jour, se régler dans des pourparlers ?

Et si on œuvrait avec force pour qu’il en soit ainsi, mais de préférence  AVANT que le mal soit fait, bien entendu. Car, le pacifisme se travaille, se milite.

Je ne dois certainement pas vous apprendre que les cas de conflits réglés par le pacifisme actif (désobéissance civile, actions non-violentes, objection de conscience, insoumission, résistance collective contre les armes chimiques, ruines, viols, drones exterminateurs, tortures…) ont de 60 à 70% plus de réussite en faveur d’une paix entre les belligérants par rapport à l’utilisation des armes ?

Et si notre Société déployait un arsenal de pacifisme plutôt qu’entretenir le mythe de la « Grande Muette », celle qui massacre ?

Utopie ? « L’utopie n’est pas ce qui est irréalisable, mais ce qui est irréalisé », déclara le regretté Cabu, pacifiste notoire.

La légalité doit toujours s’effacer en présence de la légitimité, c’est un principe humaniste inaliénable et, quand le pacifisme apparait comme une notion de faiblesse (« Des dégonflés ! », « Des poules mouillées !) ou de soumission, c’est l’indéniable double symptôme d’une méconnaissance du concept et un échec pédagogique.

Pourtant, comme le signala le psychologue Serge Moscovici, les minorités agissantes ont une réalité politique bien supérieure à leur représentation statistique.

Je vous remercie de m’avoir prêté attention. Du moins, je l’espère.

 

Photo principale : Pexels-berke-arakli (merci !)