Grand entretien #1 : « L’agriculture peut être favorable à la biodiversité »
DEC 3, 202459 MIN
Grand entretien #1 : « L’agriculture peut être favorable à la biodiversité »
DEC 3, 202459 MIN
Description
<p><strong>Florian Barbotin est chargé de mission agriculture à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) Bretagne. Sa mission : accompagner les agriculteurs volontaires vers des systèmes de production plus favorables à la biodiversité. Un travail de longue haleine qui nécessite un accompagnement financier important.</strong></p>
<p>« Très concrètement, il y a un déclin de la biodiversité à toutes les échelles, que ce soit monde, Europe, France, Bretagne, ferme ou parcelle, constate Florian Barbotin. C’est la conséquence de l’utilisation de pesticides de synthèse et de certaines pratiques agricoles, notamment de fauche aux mauvaises périodes, ou le labour, qui a un fort impact sur vie du sol. »</p>
<p>Le grand Ouest abrite une biodiversité très riche grâce à son paysage bocager. Traditionnellement, haies et talus étaient utilisés pour séparer les parcelles et servaient de clôture naturelle. Mais le bocage est aussi un habitat parfait pour un grand nombre d’espèces animales qui y ont élu domicile. En France, la biomasse d’insectes a par exemple subi un déclin de 80 % en 30 ans.</p>
<p><strong>« La Bretagne, réservoir biologique de certaines espèces »</strong></p>
<p>Depuis les années 1960, le remembrement mené par l’État a entraîné une rupture paysagère importante. Cette politique visait à « moderniser » l’agriculture et à augmenter significativement les rendements grâce à la mécanisation et à l’utilisation de produits phytosanitaires, entre autres. Les parcelles s’agrandissent et les haies deviennent un obstacle pour les machines.</p>
<p>« L’homme est aussi facteur de création de biodiversité grâce à ses pratiques agricoles, parce qu’il aura favorisé la diversité génétique d’espèces cultivées. Et quand il y a plusieurs espèces cultivées, il y a aussi des insectes différents qui viennent et donc des prédateurs. »</p>
<p>Un exemple qui s’applique aux céréales, mais aussi à l’élevage. « En Bretagne, il y a des races anciennes comme la pie noire ou la froment du Léon. C’est l’homme, de par ses pratiques et la sélection génétique qu’il a exercée depuis des milliers d’années, qui a favorisé l’émergence de ces espèces complètement adaptées aux écosystèmes locaux puisqu’ils ont co-évolué avec. »</p>
<p><strong>« Amorcer la changement vers des modèles plus favorables à la biodiversité »</strong></p>
<p>Revenir à des fermes plus petites, sans pesticides, sans engrais de synthèse, avec plus de bocage est donc une nécessité pour préserver la biodiversité. « La biodiversité est fondamentale pour la survie, y compris de l’espèce humaine », martèle Florian Barbotin.</p>
<p>« Sur des systèmes qui sont favorables à la biodiversité, il y a souvent très peu de charges, parce que ça va être beaucoup du pâturage à l’herbe, sur prairie naturelle, avec des races anciennes. Donc ça veut dire beaucoup moins d’achat de foin, pas d’achat de pesticides de synthèse… » Il faut rappeler que les coûts des pesticides ont augmenté puisqu’ils sont liés au cours du pétrole.</p>
<p>« Ce sont aussi des systèmes qui représentent moins de temps de travail, enchaîne Florian Barbotin. Parce qu’ils sont assez autonomes, avec des bêtes qui ont une éducation alimentaire qui leur permet de bien valoriser les flores qui sont présentes. Les systèmes intensifs vont avoir des rendements souvent plus importants en lait ou en viande, mais avec une charge de travail beaucoup plus importante. Et donc finalement, ils auront une rentabilité équivalente. »</p>
<p>Il faut cependant prévoir les premières années un effet d’amorce : les écosystèmes sont alors très déséquilibrés et les prédateurs vont mettre du temps à revenir s’y installer. Une situation qui profite aux ravageurs et aux nuisibles et qui peut donc entraîner des pertes et une baisse de rentabilité les premières années. Avant d’inverser la tendance et retrouver un environnement sain et autonome.</p>
<p>« Il y a tout un tas de bibliographies qui montrent que ça marche d’un point de vue agronomique comme d’un point de vue écologique. Mais il faut le faire d’une manière planifiée, accompagnée. Et malheureusement les politiques ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux. Il faudrait des milliards. Une fois qu’on est parti dans un système intensif, pour en changer, c’est un paquebot. »</p>
<p><a href="https://splann.org/enquete/bocage/">Consultez aussi notre grande enquête sur la destruction du bocage, qui se poursuit en Bretagne</a>.</p>
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